En toute inharmonie.

A l’issue de l’accord de votre piano, il est possible que vous m’ayez entendu prononcer le terme “inharmonicité”.

A travers cet article, je vais tenter de vous apporter quelques éléments de compréhension de ce phénomène qui rend l’accord de votre piano plus compliqué que la simple application de règles acoustiques.

Parlons d’abord d’harmonicité…

Les ondes sonores qui se diffusent dans l’air jusqu’à nos oreilles sont créées par une corde qui rentre en vibration. La fréquence de l’onde créée (la hauteur de la note) va dépendre notamment de la vitesse à laquelle la corde va vibrer, et sera exprimée en Hertz (Hz).

Il est important de noter à ce stade, que la corde vibre, non seulement sur l’entièreté de sa longueur, mais également sur des fragments qui la compose, de manière quasi-simultanée : 

Chaque fragment, en vibrant, va également créer des ondes (appelées partiels). Certains peuvent les nommer “harmoniques”, néanmoins, si leur fréquence n’est pas un multiple entier de la fréquence dite “fondamentale”, il convient de les nommer “partiels”.

Or, un piano crée des partiels, et non des harmoniques, pour des raisons que je vais expliquer plus loin…

La corde, en vibrant sur toute sa longueur, va créer le partiel dit “fondamental” qui correspond finalement à la hauteur de la note que vous allez principalement entendre.

La moitié de sa longueur va créer le deuxième partiel (théoriquement une fréquence égale au double de la fréquence fondamentale), le tiers de sa longueur va créer le troisième partiel (théoriquement égale au triple de la fréquence fondamentale) etc…

Finalement, on se rends compte que lorsqu’une note est jouée (une corde frappée dans notre cas), c’est toute une masse sonore qui est libérée. Il est intéressant de noter que certains partiels vont s’éteindre plus vite que d’autres, et que l’évolution de leur volume sonore va déterminer le “timbre” (brillant, agressif, doux…).

En pratique, ça se complique...

Tout ce qui a été relaté ci-dessus est finalement assez théorique et matériellement, les choses diffèrent plus ou moins…

Le phénomène d’inharmonicité a pour conséquence d’élever la hauteur de certains partiels, d’augmenter leur fréquence de vibration (et donc leur note), ce qui a des conséquences très importantes sur l’accord de votre instrument.

Mais qu’est ce qui entraîne cette inharmonicité ?

Pour des raisons pratiques dans la conception des pianos (et notamment pour limiter leur hauteur ou longueur), les cordes ont un diamètre plus ou moins élevé, qui permet, à une longueur donnée, de vibrer à une certaine fréquence.

Par exemple, prenez une corde d’une longueur de 80 centimètres, si son diamètre est de 1 millimètre, sa fréquence de vibration sera plus lente que si son diamètre est de 0,5 millimètre (car la corde sera dans ce dernier cas plus légère et vibrera donc plus vite).

Le problème, c’est que ces choix de conception entraînent une certaine raideur des cordes (notamment dans les extrêmes aigus ou le rapport diamètre/longueur entraîne une raideur importante). Or, plus une corde est raide, plus son extrémité va résister à la flexion.

On peut facilement observer sur ce schéma que finalement, la longueur qui vibre en est diminuée, et donc la fréquence de vibration en sera plus rapide, et donc la hauteur du partiel concerné, plus élevée.

Ceci est notamment du au fait que les extrémités de la corde (figurant en rouge) résistent à la flexion du fait de leur raideur, comme indiqué précédemment.

L’inharmonicité pour résumer, correspond aux disparités dans les fréquences ainsi créées par rapport à la fréquence fondamentale, du fait de la raideur de la corde. Certains partiels d’une même note peuvent donc “sonner faux”.

Et votre piano dans tout ça ?

Les conséquences sur le son du piano diffèrent selon l’instrument, et selon l’endroit où on se trouve sur le clavier. 

En général, pour ce qui est des cordes en acier, plus elles sont longues (sur les grands queues par exemple, ou les pianos droits d’expression) moins l’inharmonicité est perçue (les cordes plus longues, n’ont pas besoin d’être aussi épaisses, et sont donc moins raides).

L’inharmonicité est moins perceptible dans les médiums (milieu du clavier) et augmente en allant vers l’aigu, elle est néanmoins plus perceptible et présente dans les graves (du fait des cordes filées, composée d’une corde en acier, entourée en plus de fil de cuivre). 

C’est donc à l’accordeur de tenir compte de cette réalité physique et acoustique et d’adapter l’accord du piano en fonction de son inharmonicité.


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